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Aux fils du temps...
Aux fils du temps...
  • Des pensées futiles, délirantes ou grinçantes, des moments drôles (ou pas, parce que "así es la vida" ! ) pour pouvoir remonter les fils du temps quand je serai -encore- plus vieille et/ou au cas où ma vie commencerait à rimer dangereusement avec ennui.
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Aux fils du temps...
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9 décembre 2011

Tu meurs

 

Cela fait un peu plus de 2 mois que nous ne nous étions vues, très occupées chacune de notre côté. Nous avions bien sûr quelques nouvelles l’une de l’autre, via Alex principalement, cet ami peintre qu’elle avait épousé le 16 décembre de l’année dernière et puis un peu via FB et par email mais nous avons dû attendre hier en fin d’après-midi pour nous retrouver autour d’un thé.

Jimena me fait joyeusement signe de l’autre côté du trottoir.
Cette jolie petite brune semble toujours pétillante et déborder d’énergie, malgré les cernes bien sombres que je lui ai toujours vues, quelle que soit l’heure ou le jour et malgré les maux de dos et les migraines dont elle est souvent en proie…
Je l’apprécie énormément pour cela et aussi pour sa bonne humeur, son humour et son attitude face à la vie.

Spontanément, nous nous embrassons à l’espagnole même si ni l’une ni l’autre ne le sommes, mais je crois que nous avons toutes deux compris à quel point le fait de s’enlacer était un acte bien plus puissant qu’un échange de baisers, même posés sur la joue…
Nous nous disons notre plaisir à nous revoir, évoquons en riant -jaune- les fêtes de Noël avec nos belle-familles respectives auxquelles nous nous préparons psychologiquement et puis un mot menant à l’autre… la nouvelle tombe : une nouvelle anomalie cérébrale a été diagnostiquée chez Alex la semaine dernière.
S’agit-il une nouvelle fois d’une tumeur cancérigène ? Pour une raison que je n’ai pas comprise (mais je n’ai pas non plus voulu poser trop de questions), il semble que cette fois-ci une biopsie n’est pas possible et même… qu’il va falloir planifier une nouvelle opération en janvier ou février.

Dans ma tête un maelström de pensées et de sensations : de la surprise, de la colère, de l’incompréhension car il y a tout juste 3 mois Alex achevait (une nouvelle fois !) des sessions de radiothérapie qui avaient alors été qualifiées comme “couronnées de succès”, des pensées pour ma sœur elle aussi opérée il y a 2 ans d’une tumeur cérébrale (bénigne mais très importante) qui lui a laissé quelques séquelles psychiques qui sont une grande source de souffrance pour elle et puis, une profonde douleur en pensant à Alex mais aussi et surtout à Jimena.
Peut-être parce que c’est elle que j’ai en face de moi à cet instant. Mais aussi parce que je sais que c’est elle qui va puiser dans toutes ses ressources pour, une nouvelle fois, soutenir Alex et parfois même le porter et le supporter à certains moments tout en assurant le quotidien et surtout sans pouvoir vraiment disposer d’appuis ici ; d’autant que sa belle-mère n’admet aucune “faiblesse” de sa part… 

Alors je prends la main de Jimena et je lui parle jusqu’à ce qu’elle laisse enfin des larmes s’échapper et je continue à lui parler pour qu’elle ne se reprenne pas tout de suite et qu’elle les laisse au contraire sourdre le plus possible mais ce faisant, je ne parviens pas à empêcher de monter en moi quelques larmes.
Et je m’en veux un peu car, comme je le pressentais, c’est pour elle comme un signal de mettre un frein aux siennes, comme si elle se devait à tout prix d’être forte pour 2.
Aux larmes succèdent alors les mots, dans un flot que je ne tente surtout pas de freiner. Elle m’explique à quel point c’est compliqué de considérer le futur lorsque la grande question qu’elle a en tête consiste à se demander combien d’années il leur reste encore. 3 ans ? 4 ans ? Parce qu’elle sait que le corps a ses limites. Qu’elle a intégré le fait que le cancer d’Alex était chronique et qu’elle veut juste que lui aussi le considère comme tel et l’accepte. Qu’elle se souvient que lors de sa dernière opération, il s’était remis très vite et qu’elle espère que cette fois-ci il en sera de même mais… elle n’écarte pas l’idée qu’il puisse cette fois-ci garder des séquelles, qu’il puisse peut-être ne plus marcher. Qu’elle en a marre aussi de ne rien pouvoir planifier, de ne ne pas pouvoir se projeter dans l’avenir parce que tout est conditionné et limité par ce cancer, ses rémissions, ses réapparitions…
Je profite alors de son silence pour lui demander avec le plus de douceur possible si elle souhaite poursuivre sa relation avec Alex.
Sa réponse ne laisse aucun doute. Aucune hésitation, aucun frémissement dans sa voix lorsqu’elle me dit qu’elle a accepté de l’épouser en parfaite connaissance de cause, que cela aurait certainement été plus simple de tomber amoureuse d’un autre mais…
Est-ce le fait de ces derniers mots ? La vie reprend tout d’un coup sa place, notre sourire mutuel s’achève sur un petit rire.

Puis elle me parle de ce désir d’enfant qu’elle ressent depuis peu. Qu’elle ne sait pas si c’est dû à son horloge biologique ou au fait qu’elle veut absolument garder une trace d’Alex mais que ce désir se fait chaque fois plus profond. Mais qu’elle tente d’y résister car elle sait que ce n’est vraiment pas raisonnable.
A cause de la crise qui fait qu’Alex vend moins de toiles et que leur situation financière est donc plus compliquée, d’autant qu’elle même ne parvient pas à trouver ici un job à plein temps. A cause du quotidien qui serait encore plus compliqué à gérer car elle sait qu’elle ne pourrait compter que sur elle-même (sa famille est aux Etats-Unis et au Mexique et sa belle-même lui a très clairement -et très brutalement- expliqué qu’un éventuel enfant ne serait pas du tout le bienvenu) et puis bien sûr… à cause du fait de devoir élever seule cet enfant.

Je sais que je devrais alors me taire car c’est déjà en temps normal un choix lourd de conséquences et qui plus est, elle ne me demande pas de conseil mais c’est plus fort que moi, je ne peux m’en empêcher. Parce que j’ai envie de l’aider bien sûr mais surtout je crois, parce que plus égoïstement, j’ai besoin de me sentir un peu moins impuissante face à sa douleur et ses doutes.

Alors je lui dis que je crois qu’elle devrait interroger et écouter son désir profond, sans prendre en considération ce qui est raisonnable car agir de manière raisonnable ne contribue pas forcément à nous rendre heureux. J’aurais pu bien sûr me prendre pour exemple mais, une fois encore, c’est à ma sœur que j’ai pensé, parce qu’elle est aussi la maman d’IchbinRodolphe et que malgré tous les problèmes qu’elle aussi a pu rencontrer, elle n’a jamais regretté son choix.
J’ai vu Jimena hocher la tête en souriant avant de conclure : “Oui, on verra après l’opération”.

La semaine dernière, j’avais justement envoyé un email à ma sœur pour lui demander de ses nouvelles (les dernières dataient de fin août !). Ce soir, j’ai enfin répondu à sa réponse reçue ce mardi.
Et puis, un peu plus tard, j’ai découvert dans mes news feed cette vidéo (malheureusement uniquement en anglais) où le chirurgien Yoav Medan explique la technique que lui et son équipe ont développée afin de détecter et traiter de manière non invasive (via IRM et ultrasons) des problèmes tels que les lésions cérébrales, les fibromes utérins et différents types de tumeurs cancéreuses.
Plus que jamais, j’ai envie de croire en les progrès de la science et de la médecine !

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