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Aux fils du temps...
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  • Des pensées futiles, délirantes ou grinçantes, des moments drôles (ou pas, parce que "así es la vida" ! ) pour pouvoir remonter les fils du temps quand je serai -encore- plus vieille et/ou au cas où ma vie commencerait à rimer dangereusement avec ennui.
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Aux fils du temps...
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4 novembre 2012

Une amitié défunte ?

 

Se souvenait-il de mon amour pour les grasses matinées ou s’agissait-il plus vraisemblablement d’un simple hasard ?
A 11H46 ce matin, la sonnerie de mon portable m’a réveillée.
En voyant apparaître son nom, j’ai un instant pensé qu’il avait finalement décidé de reporter son voyage à Barcelona afin que nous puissions nous voir.
Je n’ai pas eu le temps de lui soumettre gaiement cette hypothèse que déjà il me disait appeler pour m’annoncer une mauvaise nouvelle. Connement ou parce que je n’étais pas bien réveillée, je lui ai demandé ce qui s’était passé.
J’avais à peine fini de poser ma question que le souvenir de la conversation que nous avions eu 2 semaines auparavant me revenait enfin en mémoire. Je n’avais pas besoin d’entendre ses mots pour savoir que son ex-femme venait de mourir.

Il avait été mon meilleur ami pendant des années mais depuis que j’avais quitté Paris, nous avions pratiquement perdu tout contact.

En 10 ans, nous ne nous étions vus que 2 fois et il y avait de cela tellement longtemps que je ne parvenais même plus à me souvenir de la date de notre dernière rencontre. Seule subsistait une image vague de son nouvel appartement parisien où il avait emménagé avec sa nouvelle compagne et la petite fille de celle-ci et où ils nous avaient invités à dîner à l’occasion de l’un de nos très rares voyages sur Paris.
Je me souvenais en revanche du plaisir bien compréhensible qu’il avait à commencer à être reconnu professionnellement. Avec une fierté mal contenue mêlée aussi à une certaine gêne due à des origines modestes et à un passé qui ne l’avaient pas complètement préparé à vivre la vie qu’il menait désormais, il m’avait dit en riant que, poussé par sa nouvelle compagne, il commençait à s’embourgeoiser et que ce n’était pas désagréable.
J’avais ri avec lui en lui confirmant que ce n’était pas une tare et que ce qui importait vraiment c’était d’assumer ses choix pour pouvoir s’en réjouir.

En 10 ans, il y avait eu 2 ou 3 mails et messages où il me disait son désir de renouer notre relation suivis de longues périodes de silence.
Je n’ai pas le souvenir que cela m’ait vraiment dérangée ni même attristée car je le connaissais bien mais surtout, je comprenais d’autant mieux qu’il soit emporté par sa nouvelle vie que cela correspondait à ce que moi aussi je vivais.
De plus, il faut bien avouer que je ne suis pas beaucoup plus douée que lui pour maintenir les relations à distance.

Cela ne m’a bien sûr pas empêchée de penser à lui pendant toutes ces années.
Lorsque certains moments passés se sont parfois fait présent.
Lorsque l’on m’interrogeait sur les magnifiques photos qui ornent les murs du salon et qu’il m’avait offertes à l’occasion de l’un de mes anniversaires (en fait, une seule à l’origine mais je lui avais demandé de m’en offrir 2 autres qui étaient peut-être moins bonnes selon lui mais qui m’émouvaient bien plus).
Ou tout simplement lorsqu’il m’arrivait de réécouter Creep…. Monte inexorablement alors de nouveau en moi cette incroyable sensation de liberté et d’allégresse qui nous envahissait tandis qu’en sortant de la Loco au petit matin, nous traversions les rues vides de Paris en hurlant cette chanson par les fenêtres ouvertes de la voiture.

Il y a 2 semaines de cela, il m’a appelée. Il m’a suffit d’entendre son “bonjour ma belle” et son petit rire pour réaliser que c’était lui. La surprise passée, je lui ai demandé avec joie s’il m’appelait pour me dire qu’il s’était enfin décidé à venir nous voir.
C’était effectivement le cas. Malheureusement, il avait réservé ses billets à des dates où nous serions justement à l’étranger. Nous nous en sommes désolés mais avons profité de cet appel pour nous parler de nous et de notre vie, de son succès et de ses peurs, des problèmes qu’il rencontrait avec ses enfants et de ses craintes quant au futur, notamment parce que Malou dont la santé avait toujours été des plus fragiles était désormais en plus atteinte d’un cancer et qu’il était peu probable qu’elle puisse supporter un quelconque traitement.
J’ai écouté sa détresse et en ai ressenti un peu de peine.
Un peu parce que tant de temps s’était écoulé, tant d’émotions non partagées que tout était un peu atténué, comme si les images qui me venaient en tête se teintaient de sépia.
Un peu tout de même parce que restait le souvenir de notre amitié et de notre complicité. Que la tendresse que j’avais ressentie pour leur 1er enfant était également bien là et que par conséquent mon inquiétude pour lui prenait réalité.
Et puis aussi, parce que j’avais bien connue Malou. Nous étions par trop différentes pour pouvoir être amies mais j’avais toujours répondu présente pour l’écouter me parler de ses problèmes et la rassurer lorsqu’elle s’était inquiétée de mon amitié avec Marc. Bien souvent, j’avais aussi servi de médiateur entre les 2 ou pour le moins, tenté d’apaiser les choses.
J’ai écouté Marc me dire qu’il espérait qu’elle tiendrait le coup encore un peu, pour les enfants car cela serait vraiment trop terrible de perdre leur mère alors qu’ils étaient en pleine adolescence et puis, plus égoïstement, pour lui aussi car cela supposerait un réaménagement brutal de sa vie avec sa nouvelle compagne. Ils s’y préparaient bien sûr parce que… mais ils savaient que ce ne serait pas facile et que…

Je ne trouvais rien à dire, pas par indifférence mais parce que je me rendais bien compte qu’il n’était pas vraiment capable d’entendre le peu de choses que j’essayais de lui dire. J’ai fini par penser qu’il avait simplement besoin que je l’écoute déverser son trop plein d’émotions et de contradictions. Alors, c’est ce que je me suis contentée de faire pendant plus d’une heure et demie, interrompant seulement mon silence pour répondre aux quelques questions qu’il me posait sur moi. Je n’ai pu éviter de me sentir un peu coupable de devoir interrompre notre conversation mais j’avais un RV et il me fallait partir. Nous nous sommes quittés en nous disant notre plaisir à nous être ré-entendus et à notre espoir de nous reparler sans attendre qu’une autre année s´écoule.

Ce matin, j’ai finalement fait la même chose. Parce que j’ai ressenti ce même besoin mais aussi parce que les mots ne me venaient pas comme si finalement, j’étais moi aussi un peu sous le choc ou comme si j’avais une conscience trop aigüe de la vacuité des mots à ce moment là.
J’ai écouté ses douleurs et ses peurs, ses efforts pour relativiser et même estimer qu’il avait de la chance. J’ai alors ressenti une certaine admiration pour lui.
Je l’ai écouté aussi me parler un peu de nous, évoquer tout ce que nous avions partagé et vécu ensemble. Il m’a avoué que toutes ces dernières années, en dépit de sa vie sociale, il s’était en fait d’une certaine manière enfermé dans la solitude et que je faisais partie de ces rares personnes qu’il serait vraiment heureux de revoir.

Je crois que curieusement j’ai ressenti plus de tristesse en l’imaginant sans amis que lorsqu’il me parlait de la mort de Malou. Je lui ai promis que je l’appellerai si mes pas m’amenaient de nouveau sur Paris et je lui ai dit aussi le plaisir que j’aurais à les recevoir lorsqu’ils viendraient à Barcelone et qu’il devait donc absolument m’appeler avant de réserver ses prochains billets afin que nous puissions nous voir.

Je serai vraiment heureuse de le revoir même si je doute que nous puissions un jour vraiment nous retrouver. Est-ce pour cela alors que je sens comme une boule au fond de mon ventre ? Ou est-ce parce que pour la 1ère fois, j’ai l’impression de lui avoir failli alors qu’il avait besoin de moi ?

 

Edit du 15/11/12:
Alors que nous venions d’atterrir à O. vendredi dernier, j’ai eu la surprise de recevoir un nouvel appel de Marc. Lorsqu’il m’a demandée s’il ne me dérangeait pas, j’ai dû lui expliquer que ce n’était effectivement peut-être pas le meilleur moment mais que je pouvais tout de même lui accorder quelques minutes car j’ai bien senti une sorte de fébrilité dans sa voix. Ma question n’avait cessé de le hanter depuis que nous nous étions entendus la dernière fois. Qu’est-ce qui avait bien pu lui prendre de me répondre que non, il n’avait pas d’amis. Il ne savait pas ce qui lui était passé par la tête au moment où il m’avait répondue mais bien sûr qu’il avait des amis. Il s’en était ensuite rendu compte en entendant tous les témoignages d’affection que certains lui avaient montré lorsqu’il les avait appelés pour leur faire part du décès de Malou. Je n’ai pu m’empêcher de penser (et de culpabiliser ?) que de mon côté, je ne lui avais au contraire offert aucun mot d’affection et de réconfort. Est-ce pour cela qu’il s’était demandé s’il avait toujours le droit de me considérer comme son amie alors même que nous nous étions perdus de vue ? Je n’ai pu m’empêcher de le renvoyer à ce questionnement et à lui demander ce qu’il en avait conclu. Après un bref moment de réflexion et quelques marques d’hésitation, il m’a dit que oui. Oui, il estimait que j’étais toujours son amie. J’ai souri légèrement et éprouvé l’envie de le rassurer. Je lui ai dit qu’il avait raison de penser ainsi et que peu importaient les distances et le temps car s’il existait toujours cette possibilité de se parler et ce désir de se voir, c’est bien parce que, quelque part, notre amitié demeurait.
J’ai raccroché sur cette pensée rassurante mais je n’ai pu m’empêcher de penser que c’était peut-être moi aussi que je voulais rassurer et que je pouvais décidément être bien compliquée parfois.

 

Humeur hommage à la survivance du passé : Creep – Radiohead

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