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Aux fils du temps...
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  • Des pensées futiles, délirantes ou grinçantes, des moments drôles (ou pas, parce que "así es la vida" ! ) pour pouvoir remonter les fils du temps quand je serai -encore- plus vieille et/ou au cas où ma vie commencerait à rimer dangereusement avec ennui.
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Aux fils du temps...
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18 novembre 2011

La voix du cœur

 

Comme tous les mercredi soirs, depuis la mi-octobre, sourire aux lèvres, je marche d’un pas rapide vers un lieu pourtant lugubre.
Au plafond, des néons et quelques ampoules nues diffusent une lumière froide et triste sur des murs jaunâtres et un carrelage sombre et hideux. 
Dans un coin, quelques vieux fauteuils gris autour d’une table encombrée de magazines people, contre un mur, des tables de formica poussées pèle-mêle sous les fenêtres et au centre... un grand espace vide dans lequel nous nous répartissons autour d’Anna, notre chef de chœur.

Lorsque début octobre, Anna m’a dit qu’elle avait trouvé une paroisse pour accueillir une nouvelle chorale qu’elle avait formée et m’a proposé d’en faire partie (et rejoindre ainsi quelques uns de mes anciens compagnons de chant), j’ai accepté avec enthousiasme. J’avais dans la tête des images d'hommes et de femmes chantant et dansant dans une église, leurs voix résonnant sous des voutes de pierre…

J’ai donc été surprise de découvrir qu’une paroisse pouvait être installée dans un vieil édifice sans charme coincé entre 2 immeubles et que notre salle de répétition devait en fait être pendant la journée un lieu de rencontres pour les personnes âgées du quartier.
C’est pourtant là que j’ai retrouvé, au milieu de nombreux inconnus, Laura, Rodrigo, Mons et bien d’autres dont j’avais oublié le prénom mais qui m’ont accueillie avec des cris de joie et même des embrassades et des mots doux à mon cœur.

Et c’est avec eux (et ces “nombreux inconnus” qui le sont chaque fois moins), que je ressens enfin chaque mercredi ce sentiment d’intégration que j’ai longtemps cherché mais jamais complètement ressenti en dehors d’ “ici”, dans cet espace temps si particulier où les mots “guiris” ou “gabachos” (termes péjoratifs pour désigner respectivement les étrangers et les français) perdent tout leur sens et se dissolvent dans les regards complices, les sourires et le plaisir partagés et surtout… dans ce sentiment d’appartenance à cette entité si particulière qu’est un chœur !

L’échauffement terminé, nous nous répartissons en 3 groupes selon que notre voix se situe plus dans les aigüs, les médiums ou les graves. 
Au sein de chaque groupe, un même réflexe qui répond peut-être à une même nécessité : se rapprocher le plus possible les uns des autres comme pour faire corps mais aussi, je crois, parce qu’à tous, il nous est arrivé un jour de perdre ”notre” voix (ou plus précisément celle du groupe) et que dans ces cas-là, seule la voix des autres peut nous remettre sur la voie...

D’un mouvement de main, Anna donne le signal.
Suivant une harmonie propre à chaque groupe, les voix s’élèvent alors et cette pièce qui évoque tant la vieillesse et la solitude  se dilue autour de nous…
Tour à tour, nos regards se portent sur nos livrets et les gestes d’Anna, profondément concentrés pour suivre les différentes variations qu’elle nous impose.
Et peu à peu, la magie opère… car chanter dans un chœur est une expérience très particulière.

C’est tout d’abord un acte d’amour envers soi-même car cela suppose d’accepter sa voix, telle qu’elle est, et de la libérer en la laissant s’exprimer, sans honte ni peur ni même jugement. Cela consiste aussi à envisager (et accepter !) de s’appuyer de temps en temps sur les autres et de porter ainsi un regard beaucoup moins grave et critique sur ses erreurs, faiblesses ou manquements..

C’est ensuite un acte d’abandon de soi où l’esprit se rend pour ne laisser parler que le cœur et le corps, leur permettant ainsi de vibrer à l’unisson avec d’autres, dans le partage d’une même émotion.

C’est enfin une dissolution totale de soi, de son individualité pour ne plus être qu’une partie d’un tout, une voix parmi tant d’autres, co-créatrice de quelque chose qui est parfois d’une beauté infinie.

Est-ce pour tout cela ou simplement parce que nous interprétions pour la 1ère fois Amazing Grace, un gospel que je trouve particulièrement émouvant ? 
Alors que je chantais, j’ai soudain senti des larmes me monter aux yeux, les effleurer sans pour autant perler, sans qu’elles n’affectent vraiment ma voix non plus. Dans un même temps, mais comme un autre mouvement, une joie profonde et sereine envahissait mon cœur puis débordait dans mon corps tout entier.

Je ne suis pas croyante mais ce soir-là, j’ai eu l’impression d’être touchée par la grâce.

 

Humeur : Amazing Grace - Soweto Gospel Choir

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